Mon Dieu
Mon Dieu ! Nos âmes semblent pourries
Pourquoi le dedans n’a-t-il plus cette odeur d’infini ?
On a remisé le sacré, brûlé du Christ son effigie
Mon Dieu ! Dites-moi, pourquoi le monde vomit ?
Pourquoi, autorises-tu tant de gestes, tant de dépravations ?
Notre Dieu d’aujourd’hui serait-il un dément ?
Ou aurait-il prit une forme tristement humaine ?
Et de la bonté, de la compassion, changé de domaine
Non, peut-être pas
Peut-être que le monde est simplement fou,
Peut-être que le brut prend le dessus du doux
Et moi, je doute quand même que toi Bon Dieu
Tu t’abaisses aux affaires humaines
Mon Dieu, dites-moi si nos âmes sont pourries ?
Si la souillure, si la psychose
Si la merde est bénie ?
Et Mon Dieu, excuse-moi si j’en oublie
Les choses à valeur d’infini
Si l’infiniment petit est infiniment grand
Si l’infiniment grand est infiniment petit.
Rêves
La nuit glisse sur la couverture du rêve
Et d’autres rêves ont des insomnies
Que fait le rêve
Quand il n’a plus d’imagination
Quand sa main à mixer son fond de commerce
Des tiroirs de l’inconscient, passe la main ?
Alors le rêve
Rêve qu’il peut rêver !
Le rêve ne sort que la nuit
Quand les rues sont vides de réalité
Il aime alors s’y promener.
***
Et l’esprit somnambule
Déambule dans l’imaginaire
De nos têtes prêtes au décollage.
***
Muni de mon filet à papillons
J’aimerais attraper des rêves
Pour m’en souvenir
Et après, bien sûr, les relâcher
Alors, je rêve, que dans mon rêve
J’élève un rêve de qualité
Mais comment cela grandit-il,
Doit-on l’éduquer ?
Mais le rêve est toujours mauvais élève
Surtout pour la discipline
Car pour le reste, il fait preuve d’imagination
Et parfois même de prémonition
Mon rêve me tire alors la langue
Me dit tout de go
Qu’il n’apprendra pas sa leçon
Qu’il ne veut pas sa bouillie
Qu’elle est mauvaise et trop salée
Mais où avais-je la tête ?
Je rêvais tout simplement !
Tout le monde il est content
Tout le monde, il est content
De quoi ?
Moi seul, compte les petits pois
Qui font les grandes mesures
Tout le monde,
Il a des chiffres dans la tête
Comme un gros ordinateur
Ignoble et rieur ;
Moi, je chiffre de n’être pas comme les autres
Tout le monde aime tout le monde,
Enfin, c’est ce qu’ils disent
Moi, j’ai parfois bien de la peine à m’aimer
Tout le monde, cela fait du monde,
Et en même temps
C’est une notion assez indéfinie ;
Moi seul, c’est bien plus précis.
Tout le monde, défile devant mes yeux
J’observe
Mais cela ne vous regarde pas
Ce n’est que moi qui vous zieute
Même si parfois
Je m’égare du chemin
Plein d’échardes et de chagrin.
Tout le monde,
Car tout le monde est un tout
Pour qui détient les atouts
Car le monde est aussi un jeu cangereux
Moi seul, ce n’est pas immonde !
Tout le monde est sur la grand place
Y’en a qui rient, qui mangent des glaces,
Moi seul, dans la moiteur de l’été
Je me prends par le col à rêver
Car j’ai dans le collimateur
Un colis-maçon qui prend de l’ampleur
Au bout de son hameçon.
Tout le monde qui meurt, tous les jours
Que s’en est effroyable
Ca passe même à la TV, en direct
D’autant plus souvent
Que c’est durable et immuable.
Moi seul,
J’aime bien me mourir à moi-même ;
Nourrir mes peines et mes joies.
(2002)
J’aurais toujours voulu
J’aurais toujours voulu
Etre pilote de lignes
Mais je ne suis qu’écrivain
Quoique à ma manière
Je pilote les lignes, voire les mots
Dans les nuages et le beau
Dans le mauvais et l’épais
Dans les épaisses fumées
Des centrales nucléaires
Dans la claire fumée
Des ateliers à idées.
J’aurais toujours voulu être avocat
Mais je ne suis que légumier
Quoique les avocats
Je les mange ou les vends
A l’unité ou à la douzaine
Je cultive aussi des fraises des bois
Car j’aime les bois et m’y promener
Je suis promeneur-cultivateur
De fraises biologiques
Que je vends aux dentistes
Aux médecins et aux vauriens
Qui valent quelque chose
Oui les vauriens valent aussi quelque chose
Ils ne valent rien
Mais qu’est-ce ne rien valoir
Au temps des dévaloirs ?
Des cavaleurs
Des avaleurs de couleuvres albinos
J’aurais toujours voulu
Etre pilote de lignes
Mais j’ai du mal à suivre
Ma ligne de conduite
Alors je m’en rachète une
Une conduite intérieure.
L’accompagnement
Sur le chemin, le caillou s’ennuyait
Pas un mollet à l’horizon
Ni de voitures, ni de camions
Pas même un traquelet
Survint alors un pèlerin, sans pèlerine
Mais avec du cœur, de la rime
Et à la vue du caillou
Derechef, il se mit à genou
Il le prit soigneusement dans ses mains
L’examina d’un air coquin
Puis le glissa dans sa poche:
– « Chouette », Se dit-il « un joli morceau de roche ».
Maintenant, il est en vitrine
Sous les yeux des gamins, des gamines
Il en rosit tel un quartz
Et le bandit se prend pour rubis
Mais il n’est pas turquoise
N’a l’arrogance de la topaze
Et aimerait bien s’en retourner
Dans les champs et dans les prés
C’est ainsi qu’il s’évada
Par une fenêtre du galetas
On nous l’a signalé sur un chemin
Et dans la poche d’un bambin.
S’abreuver
S’abreuver
Au coin d’une rue
A un lampadaire ou à l’égout
Ou déguster du regard l’arc-en-ciel
Pisser
Sur les mots pluriels
Pour n’utiliser que le singulier
Le genre singulier des passants
Regarder
S’agrandir la vision
D’un monde rétréci, enlaidi
Entendre,
Crever la vie sur terre
Et ne rien faire dans l’immédiat
S’appesantir sur soi-même
Et briser son self-contrôle,
Ne plus rien contrôler,
Que le néant virtuel
Vibrer avec son outil,
Dans la matrice féconde
Et oublier son passé et son futur
Oublier,
La multitude de notre fraternité humaine
Et se réduire à un individu individué
Lancer ce cri,
Pour vider ma conscience
De toute la dégueulasserie
Qui s’y trouve
Non !
La curiosité n’est pas malsaine
Mais elle ne fait pas partie de nos mœurs
Dommage ! Cela rapprocherait nos identités perdues
Laissées à nos seules individualités
Me confier au papier,
Car lui seul m’écoute vraiment.
Let it be
Laisser aller ce qui peut encore aller
En aller-retour
Pour remettre à l’endroit
L’idée qu’on a du rebours
Se laisser vivre
Vivre sans se laisser
Vivre sans se laisser vivre
Vivre ce que l’on vit sans se laisser
Vivre ce que l’on vit sans se lasser
Se lasser de vivre sans se laisser aller
A se laisser vivre
Lâcher prise
Lâcher la prise qu’on ne veut pas lâcher
Lécher la prise qu’on ne veut pas lâcher
Lâcher la laisse des désirs pourléchés
Lâcher la prise sans être lâche
Se laisser être
Se laisser être comme un hêtre (l’arbre)
Etre laissé sans se laisser être.
Jean-luc