Musique
Le ciel bat la mesure
A mesure que les nuages s’amoncellent
Une fine pluie inonde le sol
D’où prétexte à une autre musique :
La musique de la pluie
La pluie a fini par détremper l’asphalte
Alors, nos pas frappent l’eau
Pareils à un rythme de percussion
La répercussion de la musique sur nos êtres
est très significative
Un enfant ne se souvient-il pas
Des chansons que chantonnait sa mère
Quand il était encore dans son ventre !
Tout à coup, le ventre de la musique s’ouvrit
Et tonitruant en sortit l’opéra
Qui opéra une rotation à droite
Pour nous ramener à la musique classique, proprement dite
Parfois reprise par des groupes pops
Alors que les parents préfèrent souvent la musique d’église
D’église, j’en n’ai malheureusement jamais entendu la musique
Sauf celle des fidèles
Entonnant tel ou tel cantique
Ou la musique des croyants s’agenouillant
Se levant, s’asseyant, puis s’agenouillant encore
Comme les participants à un exercice militaire
Mais oui, il existe une musique militaire
Une fanfare barbare dont je tairais l’inventaire
L’inventaire ne serait pas terminé
Si j’oubliais la musique du vent dans les branches
Ou celle des arbres se balançant dans la forêt
Ou encore la musique de l’ennui
Quand elle assaille nos oreilles
Pour finir, quoi de plus reposant, voire angoissant
Que l’absence de musique ou de bruit !
Alors, en avant la musique !
Mon Dieu
Mon Dieu ! Nos âmes semblent pourries
Pourquoi le dedans n’a-t-il plus cette odeur d’infini ?
On a remisé le sacré, brûlé son effigie
Mon Dieu ! Dites-moi, pourquoi le monde vomit ?
Pourquoi, autorises-tu tant de gestes, tant de dépravations ?
Notre Dieu d’aujourd’hui serait-il un dément ?
Ou aurait-il prit une forme tristement humaine ?
Et de la bonté, de la compassion, changé de domaine
Non, peut-être pas
Peut-être que le monde est simplement fou,
Peut-être que le brut prend le dessus du doux
Et moi, je doute quand même que toi Bon Dieu
Tu t’abaisses aux affaires humaines
Mon Dieu, dites-moi si nos âmes sont pourries ?
Si la souillure, si la psychose
Si la merde est bénie ?
Et Mon Dieu, excuse-moi si j’en oublie
Les choses à valeur d’infini
Si l’infiniment petit est infiniment grand
Si l’infiniment grand est infiniment petit.
Rêves
La nuit glisse sur la couverture du rêve
Et d’autres rêves ont des insomnies
Que fait le rêve
Quand il n’a plus d’imagination
Quand sa main à mixer le fond de commerce
Des tiroirs de l’inconscient, passe la main ?
Alors le rêve
Rêve qu’il peut rêver !
Le rêve ne sort que la nuit
Quand les rues sont vides de réalité
Il aime alors s’y promener.
***
Et l’esprit somnambule
Déambule dans l’imaginaire
De nos têtes prêtes au décollage .
***
Muni de mon filet à papillons
J’aimerais attraper des rêves
Pour m’en souvenir
Et après, bien sûr, les relâcher
Alors, je rêve, que dans mon rêve
J’élève un rêve de qualité
Mais comment cela grandit-il,
Doit-on l’éduquer ?
Mais le rêve est toujours mauvais élève
Surtout pour la discipline
Car pour le reste, il fait preuve d’imagination
Et parfois même de prémonition
Mon rêve me tire alors la langue
Me dit tout de go
Qu’il n’apprendra pas sa leçon
Qu’il ne veut pas sa bouillie
Qu’elle est mauvaise et trop salée
Mais où avais-je la tête ?
Je rêvais tout simplement !
Tout le monde il est content
Tout le monde, il est content
De quoi ?
Moi seul, compte les petits pois
Qui font les grandes mesures
Tout le monde,
Il a des chiffres dans la tête
Comme un gros ordinateur
Ignoble et rieur ;
Moi, je chiffre de n’être pas comme les autres
Tout le monde aime tout le monde,
Enfin, c’est ce qu’ils disent
Moi, j’ai parfois bien de la peine à m’aimer
Tout le monde, cela fait du monde,
Et en même temps
C’est une notion assez indéfinie ;
Moi seul, c’est bien plus précis.
Tout le monde, défile devant mes yeux
J’observe
Mais cela ne vous regarde pas
Ce n’est que moi qui vous zieute
Même si parfois
Je m’égare du chemin
Plein d’échardes et de chagrin.
Tout le monde,
Car tout le monde est un tout
Pour qui détient les atouts
Car le monde est aussi un jeu dangereux
Moi seul, ce n’est pas immonde !
Tout le monde est sur la grand place
Y’en a qui rient, qui mangent des glaces,
Moi seul, dans la moiteur de l’été
Je me prends par le col à rêver
Car j’ai dans le collimateur
Un colis-maçon qui prend de l’ampleur
Au bout de son hameçon.
Tout le monde qui meurt, tous les jours
Que s’en est effroyable
Ca passe même à la TV, en direct
D’autant plus souvent
Que c’est durable et immuable.
Moi seul,
J’aime bien me mourir à moi-même ;
Nourrir mes peines et mes joies.
(2002)
Jean-Luc Carrel